– Tonton Vieux, tu connais même Rudolf ?

  • Hein…? Rudolf… ? c’est qui… ?
  • Oui. Rudolf. Mémé dit que c’était un Roi. Rudolf Dual’a Mang’a… huuum… heinhein !… Mang’a….huum… wèèè… !
    Tonton Vieux cessa de nettoyer sa guitare Bass, et desserrant lentement ses magnifiques doigts de son vieux torchon, il me lança alors un regard aigu et brûlant. C’était le lendemain du premier soir, et nous étions alors dans sa chambre. Moi, assise sur son tapis suranné, autant pour nos confidences habituelles, que pour chiper les pièces d’argent neuves qu’il collectionnait et qu’il y classait par petites colonnes.
    Mang’a… huum… wèèè j’oublie encore son nom comment ééééé…
    Je fronçai les sourcils et me pinçai les lèvres, essayant de toutes mes forces de me souvenir du nom de chaque ancêtre. Dans ma réflexion, ma main droite irrésistiblement se relâcha, et quelques piécettes volées tombèrent sur le tapis.
    Tonton Vieux éclata alors d’un rire spontané et incontrôlable.
    Maman, tu sais au moins que ces gens- là n’aimaient pas les voleurs et qu’ils leur coupaient les mains ? tu vas les appeler comme ça un jour et ils vont couper tes petits doigts-là tu vas voir, voleuse !
    Je ne me rappelle plus de son nom ! Mémé a dit que si je veux chaque jour, la suite de l’histoire, je dois d’abord lui donner tout le nom de Rudolf. Elle va revenir le soir de sa chorale et va me demander ça, je vais faire comment alors ? moi je veux qu’elle me raconteeee…
    Mes maigres jambes s’agitaient frénétiquement sur le tapis, tandis que je pleurnichais en frappant des mains le bâton de marche de mon oncle, comme si, c’était à cause de lui que mon souvenir vacillait. Un sourire pensif aux lèvres, tonton Vieux se mit à jouer sur sa guitare Bass un air improvisé, qui ponctuait les noms qu’il soufflait, les yeux fermés… on aurait dit qu’il replongeait alors lui-même dans sa propre enfance…
    Rudolf Dual’a… Mang’a…Ndumb’a… Lob’a… Beb’a… Bèlè… Ba Doo… La Makongo… puis d’un mouvement gracieux d’ensemble, ses deux mains glissèrent sur toutes les cordes, produisant ainsi un délicieux cafouillis musical. Je m’écriai stupéfaite, le visage émerveillé et ravi :
    Tonton Vieux !!! tu connais Rudolf !!!
    En guise de réponse, il m’offrit son sourire espiègle et s’appuyant sur son bâton, il arpenta sa chambre à la recherche de la housse de sa guitare Bass, ainsi que de la casquette qui ne le quittait jamais. C’était déjà l’heure de courir au studio Makassi à Akwa, où il travaillait à plein temps comme chef d’orchestre. Revenant vers moi, il épousseta d’une main le « Kotto Bass » brodé sur sa casquette avant d’y enfiler sa tête, puis enroulant par réflexe sa jambe malade autour de son bâton, il se pencha, le regard un peu triste :
    Je n’aime pas parler de ce qui fait mal, tu sais ça…
    Je sais… tu fuis toujours…
    Oui… et toi tu fais front…c’est bien pour ça qu’on se complète non ? fit-il dans un large sourire. Tu as retenu maintenant ? dis son nom.
    Je pensais que tu n’aimais pas parler de ce qui te fait mal. Faisant des mimiques moqueuses, je lançais vers le vieux plafond un regard d’exaspération un brin caricaturée.
    Toujours en appui sur son bâton, tonton Vieux prit mon visage entre ses mains et m’embrassa longuement sur le front. Chaque fois qu’il faisait cela, j’avais l’impression que je pouvais vaincre la terre entière, ou alors que peu importe ma faute, la terre entière ne pouvait rien contre moi… ce sentiment grisant et magnifique de sécurité je ne l’ai plus jamais retrouvé depuis… un sourire béat illumina mon visage. Tonton Vieux murmura une deuxième fois en me fixant profondément dans les yeux :
    Dis son nom…
    Rudolf Dual’a Mang’a Ndumb’a Lob’a Beb’a Bèlè Ba Doo La Makongo !!! je connais !!!
    Bravo. Alors ce soir, mémé te racontera la suite de l’histoire de Rudolf et tu me la raconteras aussi hein ?
    Heinhein !!! fis-je d’une véhémente approbation de la tête, qui le fit pouffer d’un grand éclat de rire…
    Mbongo engendra Mbèdi (suite de la généalogie des Rois Duala, établie par le Prince et Historien Kum’a Doumbè III)
    Et Mbèdi engendra :
    Ewalè a Mbèdi , ancêtre fondateur de Pitty ou Douala ( c’est le défaut de juste prononciation des explorateurs européens qui transformera Ewalè en Douala)
    Kolè a Mbèdi, ancêtre fondateur des Bakolè
    Ekakanga’a Mbèdi, ancêtre fondateur des Bojongo
    Mooh a Mbèdi, ancêtre fondateur des Malimba
    Dibongo a Mbèdi, ancêtre fondateur de Sanaga
    Ndibè a Mbèdi, autre ancêtre éponyme de Ewodi
    Epongè, ancêtre fondateur des Pongo
    Bankon, ancêtre fondateur des Bankon (Abô Sud)
    Ngungè, ancêtre fondateur des Bankon (Abô Nord)
    Munoh, ancêtre fondateur des Banoh
    Kèm, ancêtre fondateur des Bakèm
    Mongo, ancêtre fondateur des Balong
    Tanga, ancêtre fondateur des Batanga ( en Duala, « ba Tanga » : les enfants de Tanga ou le peuple de Tanga)
    Engom, ancêtre fondateur de Ndogbianga
    Malumba, ancêtre fondateur de Yasa
    Esonjé, ancêtre fondateur de Subu
    Naah, ancêtre fondateur des Bakwéri
    Nken, ancêtre fondateur des Bonkeng.
    A sa mort, le roi Mbèdi confia sa descendance (encore très jeune pour régner) et le trône à son frère Ngasè (période règne :1558-1608), particulièrement doux de caractère et juste. En effet, c’était lui Ngasè l’ainé qui aurait dû succéder à leur père, le Roi Mbongo, mais il se soumit à l’impétuosité et à l’autorité naturelle de son cadet Mbèdi, d’ailleurs favori du père Mbongo. Le Roi Ngasè, en homme juste et bon, s’occupait de ses neveux comme de ses propres enfants, avec toute la dévotion d’un père… se produisit alors un scandale…
    Ewal’ a Mbèdi a Mbongo (Ewalè fils de Mbèdi fils de Mbongo), tomba secrètement amoureux de sa cousine germaine Ekèdi a Ngasè (Ekèdi fille de Ngasè), et les 02 commirent l’inceste duquel naîtra d’ailleurs, l’unique enfant d’Ewalè, appelé Mulobè.
    Très en colère et embarrassé de la grossesse incestueuse de sa fille, le père Ngasè voulut arranger cette situation en toute discrétion, mais l’intransigeant Ewalè ne l’entendait pas de cette oreille. Pour lui, il était hors de question d’un compromis. Il aimait sa cousine et il l’épouserait. Point barre. Pas question de rituel de purification de l’inceste et de mise au passé de cet acte. Il ne regrettait rien. Il l’assumerait pleinement et ferait d’elle, son épouse. D’ailleurs, il était même prêt à s’en aller avec elle. Il venait d’un peuple qui avait connu de nombreux schismes et celui-ci ne serait pas le premier. Et puis, il ne voulait pas de plusieurs femmes. Il en voulait une et une seule, et c’était sa propre sœur, Ekèdi. (Cousine est un mot de la langue française qui n’existe pas en Duala. En Duala, on dit toujours mun’a nyango’am, ce qui veut dire, la fille de ma mère : ma sœur.)

Yééééééééééé ! Mémé… donc Ewalè a « fait les bêtises » avec sa sœur… ? mama ééééééééé !! iiiiiiich ! Mémé pourquoi il a fait ça ? hein Mémé ? on ne l’a pas tapé ?
Ma tête allait vivement de la vieille casserole au feu, à ma grand-mère qui entonnait déjà un cantique du pasteur Lotin’à Samè. Ma bouche palpitait de paroles trébuchant les unes sur les autres, autant pour connaitre la suite de l’histoire que pour hâter le feu un peu trop lent à mon goût …
Kèm ! ba si dipi mô ! wa nun muna ! Ewalè na ni nginy’ao yèsè mô njà nu wusè dipa mô ? non ! on n’a pas tapé Ewalè ! toi cette enfant ! Ewalè qui était si fort, qui se serait risqué à le punir ? souffla mémé dans un petit rire.
On était dans sa cuisine traditionnelle, dans la cour arrière de la grande concession. Pour me féliciter d’avoir si bien retenu le nom de son cher Roi Rudolf, mémé me préparait un de mes plats préférés : les « bélembè ». Des feuilles de macabo auxquelles elle rajoutait des écrevisses séchées et du poisson fumé… un plat singulier auquel je n’ai plus gouté depuis plus de trente ans.
Son oncle Ngasè était très fâché mais c’était quelqu’un qui n’aimait pas les problèmes et il avait honte aussi, bien honte même ! mbalè ! ison à mayaka !
Honte, Mémé ?
Oui. Il ne voulait pas que les autres peuples le sachent (les Ewondè, les Basi etc.). Il voulait régler ça en famille.
Il a fait quoi alors ?
Il a convoqué un conseil de famille.

  • hein ?
    Oui. Ngasè a convoqué un grand conseil de famille contre son neveu Ewalè (Duala).
    Devant toute la famille réunie, Ewalè dira un phrase restée célèbre parmi les Duala jusqu’à ce jour : « Moi Ewalè, désormais mon totem est Mbela, (l’Aigle). Vous êtes des coqs, et votre colère ne peut rien contre moi. Appelez-moi Mbela (Aigle). Quand j’ai pris quelque chose, quand j’ai pris un poussin, je ne le lâche plus ! ».
    Selon le feu Prince René Douala Manga Bell, le schisme entre Ewalè et son oncle fut causé par cet acte incestueux. Toutefois, poussant plus loin ses investigations, le Prince et historien Dicka Akwa Nya Bonambela a établi à Ewalè des ambitions beaucoup moins lyriques, et plus politiques. Ewalè provoque volontairement le schisme. Il lui faut un esclandre retentissant. Il lui faut une raison de commettre l’acte qui est né véritablement dans son cœur. Il lui faut la guerre pour prendre le pouvoir. Certes, il aime Ekèdi, mais il y a plus important en jeu : le trône. Ewalè veut les 02. Ewalè veut tout. Mais il se trouve dans une situation délicate : son oncle Ngasè est le premier fils du Roi Mbongo et en fait, successeur légitime en lieu et place de Mbèdi, le défunt père d’Ewalè. Même si son oncle Ngasè est doux et humble de caractère, Ewalè n’est pas certain que ce dernier remettra le trône aux enfants de son défunt frère Mbèdi… il est fort possible et logique que le Roi Ngasè, héritier légitime du roi Mbongo, transmette le trône à ses fils. Ewalè a le sang de son père Mbèdi : le pouvoir, il ne le quémande pas. Il l’arrache. Il est un Aigle, souvenez-vous. Ekèdi est folle amoureuse de lui : Ewalè a l’arrogance à la fois méprisante et charmante. Il n’a même pas besoin de trop en faire… Ekèdi elle-même se dressera contre les siens… les tensions s’enflammeront… et tandis que Ngasè le naïf de cœur, angoissera sur la résolution de cet inceste encombrant… Ewalè frappera et volera le désir véritable de son cœur. C’est ainsi qu’il convoque en secret une réunion urgente avec ses frères en qui il a le plus confiance : Ndibè ( Ewodi) et Nkon ( Bankon Abo-Sud) et ensemble, ils montent une révolution à l’issue de laquelle, Ewalè arrache à son oncle Ngasè les attributs mystiques de la royauté ( je n’ai pas le droit de les citer ici). Ewalè partira avec sa cousine Ekèdi devenue sa femme, et les attributs de roi, laissant à son oncle Ngasè et ses fils, un trône en fait vidé de toute essence et donc, de tout pouvoir.
    Ces 02 actes d’Ewalè créeront de longues guerres intestines qu’en le fou de guerre, il ne voulait pas voir s’arrêter. Ce n’est que face au désistement de ses frères (surtout Ekakanga) qui fatigués de ces guerres, s’en iront un à un s’établir ailleurs, qu’Ewalè quittera à son tour les Longasè (ceux de Ngasè), et s’en ira lui aussi avec les siens.
    Quittant donc Pitty, ce fut précisément le Roi Ewalè (période de règne : 1580-1630), qui emmènera son peuple à longer l’amont du fleuve dénommé plus tard Rio Dos camaros. A l’entrée du fleuve il fut accueilli par une danse effrénée de grosses crevettes dites « Mbéatoè », signe mystique incontestable de la « terre promise », mundi mwa dikaki selon les Oracles. Il y trouva une grande partie de ses cousins les Bassa, de son oncle Bassi, installés sur cette terre depuis longtemps bien avant les Duala, suite à la séparation de leur patriarche Bassi d’avec son père l’illustre Roi Mbongo. Les Bassa très heureux, accueillent avec grands cris et feuilles de palmiers, les centaines de pirogues transportant le Roi Ewalè et les siens. Ils lui attribuent un emplacement situé sur la colline qui surplombe le Rio Dos Camaroes, sur la rive gauche. Emplacement qui sera bien plus tard désigné sous le nom de Plateau Joss.
    Ewalè engendra Mulobè, encore appelé Monoba ou Monneba, et qui règnera de 1630 à 1666 (suite de la généalogie des Rois Duala, établie par le Prince et Historien Kum’a Doumbè III).
    Mulobè naquit à Douala « la terre promise » mundi mwa dikaki, au terme de l’ultime migration du peuple Duala, qui a lieu entre 1578 et 1600. Devenu adulte, Mulobè voulut connaitre les Longasè du roi Ngasè, sa famille maternelle, et ses parents accédèrent à sa requête. Les voyages réguliers de Mulobè vers Longasè achevèrent de mettre un terme aux tensions entre les 02 fratries.
    Unique enfant d’Ewalè et fruit d’un inceste honteux, on aurait pourtant dit que l’Univers attendait sa venue… car la sagacité de Mulobè se révéla légendaire.
    Mulobè fut celui qui réglementa le commerce sur le fleuve du Wouri, c’est-à-dire, qu’il instaura une monnaie fiduciaire. Oui, vous lisez très bien. Le Colon trouva que la monnaie existait déjà. Ceci n’est pas une légende. C’est votre histoire. Mulobè instaura un système économique relatif aux transactions commerciales sur la Côte, un fonctionnement strict à la fois financier et procédurier des comptoirs installés le long des côtes (Les heures d’ouverture et fermeture des commerces, les lois relatives à la concurrence déloyale, les montants à reverser par les explorateurs aux visages pâles pour chaque marchandise précieuse vendue par les Duala etc. ) le commerce avec Mulobè, sur la Côte, ne se faisait plus par troc mais bel et bien par une monnaie.
    Si vous êtes surpris d’une telle organisation étatique, souvenez-vous des origines de ce peuple : il vient de l’Egypte des pharaons Noirs ( Nubie…) et donc, la tradition d’un système politico- spirituel et sociétal est inné en lui. C’est plutôt le contraire qui devrait surprendre. Mulobè a très vite perçu la place stratégique de la Côte sur le plan à la fois géographique et financier. C’était lui qui était la voie vers le monde extérieur. C’était lui le roi de la Côte et donc, le Roi du commerce et donc… le Roi tout court.
    Selon les historiens, Mulobè devint le roi le plus puissant de toute la côte atlantique ouest-africaine car, il exigeait que les commerçants hollandais, portugais, espagnols etc. transitent avec sa monnaie à lui. A la place du troc, Mulobè créera une monnaie et l’imposera. Ce qui lui valut la haine des explorateurs et se mit à attiser leur convoitise… l’envie de coloniser et de dominer ce peuple si hautain, si riche, si fier, et de lui arracher ses luxueuses terres et ses ports, approchait à grands pas ou mieux… à grosses vagues…

Mulobè engendra Masè et Ngiyè
Nous restons sur la branche de Masè, car elle est celle qui nous intéresse. Le roi Masè qui règnera de 1666 à 1690, séjourna longtemps au Portugal où il fit de brillantes études. Ceci sur la demande insistante des Portugais, subjugués par l’accueil du peuple Duala (qui les protégeait contre ceux qui voulaient les tuer et les dépecer de leur peau pour en faire des vêtements), et par leur fière autonomie. Le Roi Mulobè, et son père Ewalè qui vivait encore, consultèrent d’abord les Oracles qui les rassurèrent du vif succès du voyage et des études de Masè. Ce fut Ewalè lui-même, qui confia son petit-fils Masè aux Portugais.
En 1666, Masè revint hériter du trône de son père Mulobè, mort la même année. Dans la continuité de son père, Masè imposera des droits de pêche et fixera un taux différentiel de paiement de taxes entre les autochtones et les étrangers, notamment les Européens.
Masè prit l’habitude de convoquer des réunions de concertation commerciale sur un banc de sable à marée basse sur la rive droite du fleuve Wouri ( de cette réunion traditionnelle, naitra le Ngondo plus tard…). La 1ère réunion eut lieu en 1678.
Masè, en sa qualité de roi unique de toute la contrée des berges de l’océan atlantique du Golfe de Guinée, percevait tout seul, tous les droits de douanes etc. et devint, encore plus que ses illustres prédécesseurs, le monarque le plus riche et le plus puissant de la Côte atlantique ouest-africaine. La cupidité des Européens nageait sur des vagues de plus en plus grosses…
Masè engendra Njo (période de règne : 1690-1712)
Njo’a Masè (Njo fils de Masè), après de longues études en Europe fera comme ses prédécesseurs : Utiliser la connaissance du visage pâle pour la retourner contre lui une fois revenu au royaume. Ayant fait le pacte comme ses pères de sauvegarder les terres, les eaux et les intérêts de son peuple, il poursuivra la tenue des réunions de concertation commerciales. Mais Njo’a Masè ira plus loin.
En effet, il interdira strictement aux commerçants européens de poser les pieds sur ses terres, une fois leurs bateaux dans ses ports. Je dis bien : interdiction de poser les pieds, au sens littéral du terme, pas au sens figuré. Les Européens seront sommés de demeurer à bord de leurs navires tout au long de leur séjour et de leur transaction sur les côtes. Sous peine de mort, le Roi Njo’a Masè ne voulait voir aucun Européen se promener sur ses terres.
Njo’a Masè avait-il déjà vu ou pressenti les envies coloniales des explorateurs… ? pourquoi une telle intransigeance vis-à-vis des partenaires commerciaux qui, ma foi, faisaient tout de même fructifier sa fortune et son prestige… ? Après 22 ans de règne, Njo’a Masè mourra et sera remplacé en 1712 par son fils Makongo ma Njo.
Njo’ a Masè engendra Makongo et Nganguè 1
Restons sur la branche de Makongo, qui règnera de 1712 à 1752.
Makongo fera également de brillantes études en Occident et reviendra mettre celles-ci au service des intérêts de son peuple. Il poursuivra aussi la tenue de palabres sur le banc de sable de la rive droite du Wouri (Bonabèri), pour le règlement des litiges commerciaux. A sa mort en 1752 après 40 ans de règne, son fils Doo La Makongo devint son successeur émérite.

Tu sais d’où vient le nom « Joss »… ? o bi nà di dina la « Joss » di wu ndé wèni ?
Hum ? Joss comme le lycée Joss mémé… ?
Le lycée Joss, le Plateau Joss, oui…
Nous étions sur sa vieille natte et on profitait du vent généreux du soir autour d’un délicieux thé de békoko ba tea (citronnelle). Mémé parlait en tenant son petit livret vert de cantiques chrétiens « Miengé Ma Bonachristo ». Je pensais à tout ce que j’allais pouvoir raconter le lendemain à tonton Vieux, en échange de crêpes toutes chaudes ou de hamburgers qu’il ne manquait jamais de m’acheter à la boulangerie Zépol, quand il revenait du Studio Makassi.
Non ooo je ne sais pas. Joss c’était qui mémé ? dis-moi nooor…
Tsuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip ! (Toujours très long, souvenez-vous…) je dis hein, on vous enseigne même quoi à votre école des Blancs là ? o bi ndé bôlè mba da lèsè o dambo wan ! tu sais seulement manger et finir toute la nourriture ici à la maison ! alors que tu ne connais riiiiien !
J’étais trop heureuse et trop rassasiée pour répliquer, alors je ne répondis pas. Je fis mieux : Je souris… et je rotai.
Mbala loba éééé ! Bana ba si bi miango ma mboa éééé ! ba Tétè binyô ya é ! Seigneur ! les enfants ne connaissent pas leur propre histoire ! que les Ancêtres viennent et voient ! fit mémé en se frappant les mains.
Wèèèè mémé tu cries alors pourquoi ? dis moi nooor !
Mouf ! vois-moi ses joues bombées là-bas ! Tsuiiiiiiiiiiiiiiiiiiip ! Demain, je vais te parler du Roi Doo La Makongo et de ses fils : Njo’ a Doo la Makongo (alias Priso, père des Bonapriso) et son frère Bèllè ba Doo la Makongo (père des Bon’a Bèllè devenu Bonabèri), deux enfants terribles !!!
Hein ? mémé ils ont fait quoi ? hein ? dis-moi noor ?
Ala kô iyô ! na sènè wa télé éé ! kè na pô bumbulanè wa wo ! nyana na mèndè wémsè wa mésanédi ! di salo nyunga wèngè donc di bèn ébolo madame ! va dormir ! et que je ne te surprenne pas à regarder la télé ! sinon tu vas me sentir passer ! on n‘a pas vendu les oranges aujourd’hui ! donc demain on va se réveiller à 5h, faire notre chapelet, aller d’abord au champ puis au commerce ! on a du travail madame !
Wèèèèè Mémé ! maman va rentrer tard aujourd’hui ! elle n’est pas là ! donc elle ne va pas savoir que j’ai dormi tard ! dis-moi noooor, wèèèèèè !
Je ne suis pas ton tonton Vieux hein ? na titi Vieux sengi bwa ? qui te dorlote comme un bébé! moi c’est Makollo madame ! o si dimbéa nika ! n’oublie pas ça ! donc ala kô iyô ! ndé tô béngè na walé, tôpô pètè dina lao ! dis d’abord son nom. Ba ta ndé ba bélè mô na nja ? il s’appelait comment ?
Huhuuuuuhuhummmm….. assise sur la natte, je remuais en pleurnichant. Je ne voulais pas aller dormir. C’était encore quoi cette histoire de « Joss » ? et les fils de Doo La Makongo, ils avaient fait quoi… ?
Tu ne réponds pas hein ? ok, engèlè mba né pô. Attends-moi j’arrive. Quand mémé vous disait « attends-moi j’arrive », la bastonnade approchait à grands pas…
Il s’appelait Rudolf…
Elle se rassit lentement, redevenant soudain très douce.
Heinhein ! Rudolf nja ? Rudolf qui ?
Rudolf…Dual’a Mang’a…Ndumb’a… Lob’a… Beb’a… Bèlè… Ba Doo… La Makongo.
(Rudolf Duala fils de Manga fils de Ndumbè fils de Lobè fils de Bébé fils de Bèlè de Doo de Makongo.)
Kiyèlè o mèndè pètè kwalisanè dina lao kè na si ma langwa pè wa miango mao. Demain, avant que je ne poursuive son histoire, tu me diras encore son nom, sinon je ne te raconterai plus rien.
Huuuuuuum… et tu vas me préparer quoi ? hein mémé ? fis-je malhonnête, voulant marchander sans honte aucune, ma propre connaissance.
Ce que tu veux. Il faut que tu manges bien pendant les vacances non ?
Heinhein…
Tôpô pètè dina lao… dis-moi encore son nom…
Rudolf Dual’a Mang’a Ndumb’a Lob’a Beb’a Bèlè Ba Doo La Makongo…
Ce fut le 2e soir.
FIN DU 2e EPISODE.
N.B : Je me fonde, lis, et collecte les informations de plusieurs livres pour notre série littéraire sur Rudolph :
-«  Le Ngondo,Assemblée traditionnelle du peuple Duala » de Maurice Doumbé Moulongo

  • « Le pays Sawa, Ma passion » de Eric de Rosny Dibounjé
  • « les Bonadoo La Makongo au sein de Sawa Douala » de Samuel Ngoyè Mukuri
  • « le paradis tabou » de Ebele Wei de son nom connu Valère Epée
    -«  Douala Manga Bell, héros de la résistance douala » de Iwiyè kala Lobè
  • « Adolf Ngosso Din l’étoile des forces vives » du Dr jean Toto Moukouo
  • « Maso ma ndala, révélations des vérités cachées » de Ebele Wei de son nom connu Valère Epée
    -« Ngum’a jéméa, la foi inébranlable de Rudolf Dualla Manga Bell » de David Mbongo Eyombwan
  • Plusieurs articles et écrits de Kum’a Ndumbè III à moi envoyés par son fils Khéops à qui je dis grandement merci.
  • Merci à Tété Mandjombé pour son soutien dans cette démarche.
  • Merci à Ngueng y Yango pour son accompagnement.
  • Merci à toi PNB pour les livres ô combien rarissimes que tu m’as donnés. Tu sais au moins que plus on m’en donne, plus j’en veux non… ? je n’ai pas fini de vider ta bibliothèque, i’m just getting started… (sourire).
  • Merci à mémé, ma défunte grand-mère pour… pour… et pour…

Makongo engendra Nganguè 2 et Doo la Makongo dit King Joss.
Restons sur la branche de Doo La Makongo. Doo La Makongo fut surnommé King Georges par les explorateurs Anglais subjugués par son opulence, sa richesse et son pouvoir. Il était le roi le plus puissant de la côte atlantique ouest-africaine; Grand chasseur d’éléphant et de buffle, il pratiquait le commerce de l’ivoire. Comme tous ses prédécesseurs donc, il était un illustre commerçant, grand chasseur et intrépide marin. Subjugués donc, les Anglais en séjour sur les rives du fleuve Wouri et qui le supplièrent de les protéger contre les sacrifices rituels d’autres rois de la côte alors friands d’enterrer vivants ces visages pâles lors des cérémonies de deuils de princes et rois. Le Roi Doo leur donna asile et protection, son pouvoir était tel qu’il était craint de toute la côte ; emerveillés, les Anglais lui donnèrent le nom de leur roi : King Georges III, mais les Duala avaient du mal avec « Georges » et prononcèrent « Joss » en lieu et place de « Georges ». C’est ainsi que Doo La Makongo fut surnommé de tous, « King Joss » et donna ainsi son nom à tout le Plateau Joss (Bonanjo, bali, Bonapriso etc.)
Quand vous entendez « Lycée Joss » etc. sachez désormais, que Joss est le surnom du roi Doo La Makongo, King Joss.
Le Roi Doo La Makongo engendra Makongo II, Priso Doo, Belle Doo (King Bell 1er), Same Doo et Dumbe Doo.

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