Roman de 226 pages publié en 2020 aux éditions de Midi.
Le polar ou encore roman policier comporte beaucoup de sous-genres. Si Eve K-Rene que nous avons découverte avec son polar  » Femmes Fatales » fait du thriller ou encore roman à suspense, c’est à dire un roman policier où il y a du frisson et du suspense de bout en bout avec une épée de Damoclès sur la tête du héros-enquêteur, une machination qui se joue dans l’ombre etc.
Loïs Irène Nwaha, elle, fait du roman policier pur.
C’est-à-dire qu’ici, il n’y a pas de compte à rebours contre notre héros-enquêteur, le crime, lui, est déjà accompli. Il s’agit maintenant de retrouver le coupable.
Le polar ou roman policier a les caractéristiques ci-après:
■ La victime
■ Le coupable
■ Le mobile du crime ou l’intrigue
■ Une recherche METHODIQUE des preuves. La METHODE: on est ici dans la pure procédure policière, ou alors d’enquête, le héros pouvant être un officier de police ou un détective privé.
Et je le dis sans rougir: Loïs Irène Nwaha est excellente dans le roman policier. Je ne m’attendais pas à une telle maîtrise de l’enquête…j’ai lu et relu, cherchant les failles c’est-à-dire l’oubli d’expliquer une preuve, l’absence de lien entre les différents morceaux de puzzle car il y en a trop… et là était le danger… plus il y en a, mieux l’auteur se perd…plus on ouvre de fenêtres, plus on oublie d’en refermer… A ma 3e relecture, 03 choses étaient claires:
1) Aucune fenêtre n’était restée ouverte.
2) Loïs Irène avait passé des journées entières dans les bureaux de la police judiciaire de la ville de Kribi. Surement pendant des mois, elle avait vécu leur quotidien tant dans les bureaux que sur le terrain.
Et…
3) Et là je me souviens avoir eu un large sourire… Loïs Irène dévorait Agatha Christie!!!!!
Oh j’en mettrais ma main à couper…! Vous savez pourquoi…? Eh bien parce que je suis une mordue d’Agatha Christie. En classe de Première, je me suis payée au « poteau » toute sa collection…oui vous avez bien lu: TOUTE. Le mec du poteau me relookait avec l’air blasé d’un accro au crac …armée de mes énormes boutons d’acnée, mes binocles et ma tenue sur-shootée d’amidon, je ressemblais à une ado vachement aigrie…Je n’étais pas aigrie, je faisais simplement tapisserie lors des fêtes au collège, et mes premiers baisers à moi c’était avec les livres… ok c’est bon! j’étais aigrie…
Alors de quoi s’agit-il ici…? Cathy Nkeng, une ancienne Miss Cameroun, est brutalement assassinée dans sa chambre d’hotel, le soir même d’une prestigieuse cérémonie de la Jet-Set dont elle est l’une des étoiles phares.
Qui a tué Cathy Nkeng…? Oh la la!!! Décortiquer l’enquête était encore plus jouissif que le retour de flammes entre Ben Affleck et Jennifer Lopez!!! Mais qu’est-ce-que je raconte…? Bref…
Voici ce qui, pour moi, fait que ce roman mérite sa place sur votre lit ou si vous êtes toquée comme moi, dans votre trousse à maquillage:
( tous ces points ci-dessous sont de grosses similitudes avec Agatha Christie)
1) Loïs S’APPESANTIT sur les descriptions. Les descriptions des bâtiments, des paysages, des bureaux, des cadavres, des trajectoires etc.
Elle sait amener une scène et la planter, avec la lenteur et la minutie d’une grand-mère qui cuisine l’ékoki… on n’est pas pressé, on va pas à pas. Et c’est vital. Qui taxe de tels détails de superflu, ne maitrise pas ce que c’est qu’un pur roman policier. Quand Agatha Christie décrit le vallon ou encore la bibliothèque en 3 pages, elle n’est pas sénile: On est dans le roman policier donc dans le factuel, le toucher du doigt, le concret. Tout participe à la tension du récit. Tout. Un tabouret mal placé, la rue qui ne longe que sur 50 km, une vieille porte à l’arrière de la cuisine jamais réparée, le facteur qui ne vient que 2 fois par semestre, le chien pourtant jovial qu’on a dû emmener la veille chez le véto, la sueur sur le front de la ménagère, etc. Tout.
2) … Et là j’ai dit bravo… Chaque personnage a une histoire cachée. Chaque personnage voit son histoire décrite avec une minutie de grand-mère. On est dans une boîte à puzzle, et la grand-mère Loïs dénoue l’énigme en ouvrant des mini boîtes de pandore, sans jamais tout dévoiler d’un coup… comme Miss Marple, le personnage d’Agatha Christie. Chaque personnage autour de Cathy Nkeng a quelque chose à cacher.
3)… Cathy Nkeng elle-même porte la clé de l’énigme. Loïs Irène Nwaha aurait tout loupé dans ce roman si elle n’avait pas fait plein feu sur la victime. Nous relater à travers chaque personnage, un morceau précis du puzzle de la vie de Cathy Nkeng… du pur Agatha Christie.
4) La façon d’emmener les personnages. Comment vous l’expliquer…? C’est assez délicieux. Vous commencez par exemple un chapitre par  » Cynthia était toute nerveuse… » par exemple, alors même que depuis le début du récit, l’auteur n’a jamais mentionné une Cynthia… je me resservais du Martini blanc à ces moments là… top!
5) Les flashbacks dans les rendus et dépositions des proches de la victime. Vous pouvez avoir la fausse impression de répétition ou de redondance mais non, c’est cela tout le « sucre » d’une enquête policière. Chacun raconte selon ses peurs, ses propres secrets, son point de vue tant physique que psychique. Loïs Irène Nwaha a la patience de faire parler chaque personnage dans le plus petit détail. ET SURTOUT: La maîtrise dans l’accrochage parfait entre les multiples dépositions disparates!!! Alors là … j’ai cogné une ènième fois le véhicule clinquant neuf de mon voisin en me garant, c’était trop tentant!
Quatre choses sur lesquelles j’attire toutefois l’attention de l’auteure:
1) Un peu plus de tension dans la narration.
Ce serait très indiqué que l’auteure y travaille beaucoup. Par exemple, la toute première phrase du livre aurait pu être: « A la porte 30, elle frappa un moment. Aucune réponse ne lui parvint. » Phrase qui se trouve à la page 12, et qui porte déjà en elle, la tension de la découverte d’un morceau crucial de l’énigme.
Loïs Irène a déjà le fabuleux souci d’enquêter et de collecter la moindre information relative à son intrigue. Elle a aussi le souci, je dirais même l’obsession du détail. Elle a l’art de décrire, ainsi que la patience nécessaire pour narrer une enquête policière de bout en bout.
Toutefois, il lui manque encore cette tension et une bonne dynamique dans le récit, et aussi une grande légèreté dans la construction des phrases… cela peut n’avoir l’air de rien mais y parvenir n’est pas évident. Un travail plus approfondi sur son écriture comblera aisément tous ces manques.
2) Corser le personnage de l’enquêteur-héros.
 L’enquêtrice ici est assez pâlotte…il faut la singulariser tant physiquement que psychologiquement. Sa méthode d’enquête doit se démarquer de celle de tous ses collègues de la Police Judiciaire…bon, peut-être est-elle encore simplement à ses débuts dans le métier, et elle s’affinera encore mieux dans les enquêtes à venir. Mais dans ce premier texte, sa présence n’est pas forte, et partant, n’est même pas indispensable…
Aussi, son personnage est un peu trop obéissant à l’auteur… le contraire aurait rajouté du pep’s. Loïs Irène Nwaha devrait s’exercer à laisser son enquêteur se construire hors de son contrôle: ses textes prendraient alors une dimension autre. Hercule Poirot avait échappé au contrôle d’Agatha Christie. Elle avait même planifié sa mort, mais le mec était devenu immortel… et c’est cela le génie.
3) Veiller à donner aux personnages le même nom ou surnom de bout en bout… Quand on nomme un personnage  » Danielle » et que subitement, un peu plus loin on le surnomme  » Dania » … le lecteur se perd….
4) Aider le lecteur à se retrouver quand la présence de certains personnages est disparate, et non pas régulière.
Quand on mentionne un personnage, 1e ou 2 fois, le retrouver seulement 15 ou 20 pages après… on a du mal à se rappeller de qui il s’agit, surtout si le récit pillule de personnages dans une intrigue ou en tant que lecteur, on est déjà concentré à ne pas perdre le fil… Donc ce serait bien dans un tel contexte, de figer un petit qualificatif au nom du personnage genre  » Ben le bègue » etc.
Les détails 3) et 4)tout particulièrement, font partie du travail de relecture de l’éditeur… celui-ci par ailleurs, a laissé passé des « absences » d’accord grammaticaux, qui m’ont donné envie de lui passer un petit coup de fil… avant de me souvenir que mater Idris Elba sur Netflix me calmerait nettement mieux…
Lire ce roman a été une délicieuse surprise.  » Délicieux » est l’adjectif qui me revenait à chaque relecture.  » This girl is delicious reading » me suis-je dit en souriant à la 3e relecture, devant un pot tout neuf de crème multra hydratante, promettaient-ils cette fois ci…